Bonjour ami lecteur,
Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de la décision que j’ai prise avant l’été de reprendre mon roman « Les passeurs de vérité » que j’avais publié en 2021 et de travailler sur une nouvelle version.
Version 1 : exercice numéro 22
Comme je l’ai expliqué dans mon article précédent, À la source des mots, l’envie d’écrire m’habite depuis longtemps. Je sentais que j’avais une facilité pour cet exercice, mais je savais aussi que l’écriture se travaillait, qu’il existait des techniques, des bases indispensables. J’ai lu plusieurs livres sur le sujet, regardé des vidéos, suivi quelques master classes et petits cours en ligne. Mi 2018, j’ai décidé d’investir, de l’argent, mais aussi beaucoup de temps, dans un cycle complet de formation à l’écriture, avec des cours, des devoirs à rendre, et un suivi personnalisé. Je me suis inscrite à l’institut Désir d’écrire, pour une formation à distance.
Cette formation comprenait de nombreux exercices, tant à propos des différents styles d’écriture que sur la construction d’une intrigue, l’organisation du travail ou encore la publication. Je vous en parlerai peut-être plus en détail dans un futur article. Toujours est-il que le vingt-deuxième et dernier exercice était la rédaction d’un manuscrit complet, suivi d’un retour oral et écrit de la coach qui nous suivait, et en cadeau un exemplaire imprimé et relié dudit manuscrit une fois finalisé. Pour ce faire, j’ai choisi de m’inspirer d’un texte que j’avais écrit peu de temps auparavant pour un concours, en l’étoffant et en abordant des thèmes différents. Après plusieurs mois de travail intense, j’ai soumis le manuscrit à ma coach.
Quelques semaines plus tard, j’ai reçu ses commentaires généraux dans un enregistrement audio de dix-huit minutes, et ses remarques détaillées directement dans le texte. Les remarques globales étaient plutôt élogieuses, néanmoins, dans le détail, certains passages demandaient à être éclaircis, certains lieux à être décrits de manière plus approfondie, certains passages à être allégés (le fameux « show don’t tell » que je trouve assez difficile à doser). J’ai pris en compte toutes ses remarques. Puis j’ai mis un point final à mes nombreuses relectures. C’est ainsi qu’est née la version définitive des Passeurs de vérité.
Réécrire ou ne pas réécrire, telle a été la question
Définitive… Enfin, c’est ce que je pensais à l’époque ! En réalité, j’avais pris en compte toutes les remarques, sauf une. Une qui touchait à la structure même du roman. La coach suggérait de déplacer un chapitre afin d’amplifier le suspense. Mais j’avais divisé l’ouvrage en deux parties : la première avec un chapitre par personnage, chacun s’exprimant à la première personne, et la seconde avec des échanges entre tous les protagonistes, racontée à la troisième personne. Positionner ce fameux chapitre plus loin dans le déroulé de l’intrigue revenait à casser cet équilibre que j’avais soigneusement construit. Cette structure, avec ses deux parties bien distinctes, représentait pour moi un élément fondamental de mon roman. La modifier me semblait presque trahir mon intention initiale. Je ne l’ai donc pas fait et j’ai publié Les passeurs de vérité en l’état.
Au printemps dernier, mon emploi du temps professionnel s’étant considérablement allégé, j’ai décidé de me consacrer davantage à l’écriture. J’ai écrit une nouvelle, Ne te retourne pas, et à l’occasion de sa publication en ligne, j’ai revu ma présentation sur mon blog ainsi que sur Facebook et LinkedIn. Il me fallait (ou du moins il était conseillé de) mettre en avant mes publications et bien entendu la plus longue et la plus aboutie de toutes : mon roman. Mais quelque chose coinçait au fond de moi. Je regardais le livre, le faisais tourner entre mes doigts, ça n’allait pas. Je n’aimais pas la couverture, d’accord, mais il y avait plus profond que ça. Son épaisseur me chagrinait. Il était tout maigre. Alors je me suis dit que je pourrais le compléter par quelques nouvelles. C’est une forme d’écriture qui me plaît, et, après enquête, j’ai vu que cela se faisait, un roman court suivi de textes encore plus courts.
J’ai écrit deux nouvelles, et je pensais en utiliser deux autres déjà écrites. Mais ça n’était encore pas ça. Un truc me turlupinait. J’ai tout posé, et, me trouvant à ce moment-là à Concarneau, je suis allée, comme souvent, m’asseoir sur un rocher au bord de l’océan. J’ai observé le va-et-vient des vagues pendant un long moment. Écouté le doux bruit que faisaient les bulles d’écume venant éclater à mes pieds. Respiré l’odeur d’algues apportée par la brise d’été. Caressé du bout des doigts le granit rugueux parsemé d’éclats de mica. Réellement hypnotique, profondément relaxant.
J’ai laissé mes pensées dériver. La suggestion de ma coach venait régulièrement y flotter. J’entendais sa voix douce sur l’enregistrement audio : « peut-être que ce serait bien de déplacer le chapitre… le lecteur découvrirait en même temps que les personnages… ça ferait un twist supplémentaire… enfin, c’est juste une idée comme ça… ». Et au moment où une vague plus forte est venue lécher mes pieds, une idée s’est imposée : et si casser la structure, procéder à une réécriture, n’était pas une contrainte mais une opportunité ? J’ai appris depuis un moment à ne pas ignorer les petites voix, l’inconscient, l’intuition, appelez ça comme vous voulez. Alors quand je suis rentrée, j’ai créé une copie du fichier Word, et je l’ai appelée « Les passeurs de vérité – version 2 ».
Version 2 : une réécriture plus profonde que prévu
Un long travail a commencé. Au début, ce n’était pas compliqué. J’ai supprimé les pages « partie 1 » et « partie 2 », j’ai pris le chapitre en question et l’ai positionné plus loin. C’est après que ça s’est corsé. Les personnages ne pouvaient plus se rencontrer de la même façon, la chronologie était chamboulée, les dialogues devaient être adaptés. Il fallait tout relire pour être certaine de ne pas faire d’erreur dans les enchaînements, de garder la cohérence entre les actions et le caractère des personnages. C’était un peu décourageant et je commençais à me lasser. Et puis, et ça, je ne l’avais pas anticipé, au fil de la réécriture, de nouvelles idées sont arrivées. J’ai d’abord ressenti le besoin de faire prendre de l’ampleur à certains personnages, surtout les personnages secondaires masculins, quasiment inexistants dans la version initiale. Et avec ces personnages, de nouveaux angles pour raconter l’histoire sont apparus.
L’excitation est revenue. Comme si je démarrais un nouveau projet. J’ai réécrit de longs passages, créé de nouveaux chapitres, revu les titres, inséré de nouvelles illustrations, puis j’ai relu, plusieurs fois, corrigé, réécrit, relu et corrigé encore. Et il y a un peu moins d’un mois, autour du 10 novembre, j’ai décidé d’arrêter là. J’ai généré la nouvelle table des matières et je n’ai plus touché à rien. J’ai compté les mots (enfin, avec un peu d’aide logicielle) : la nouvelle version avait pris de l’embonpoint : +38 % ! Finalement, pas une petite réécriture de rien du tout…
Verdict imminent : une version 3 en vue ?
Quand j’ai réalisé que la version que j’avais entre les mains était à ce point différente de la version initiale, j’ai hésité : entrer tout de suite dans un processus de publication, en appliquant tous les conseils glanés depuis mon expérience précédente, ou demander un avis extérieur. Comme parmi les conseils figurait celui-là, j’ai contacté Lire magazine qui propose un service de diagnostic de manuscrit et je leur ai envoyé mon bébé modifié. Et… j’ai rendez‑vous le 13 décembre avec l’éditrice qui a pris en charge la relecture afin d’entendre ses retours !
Au moment de l’envoi, j’ai été soulagée pendant quelques jours. Une page était tournée, je pouvais me consacrer à autre chose, notamment la création de la présente rubrique, « Derrière les mots ». Mais l’échéance approche et je sens à nouveau régulièrement mon estomac se nouer : et si tout était à jeter ? Si elle trouvait le style pauvre ou ampoulé ? Et, ce serait le comble, si le fameux chapitre devait être déplacé ? Aurai-je le courage d’encore recommencer ?
Quand je parle de persévérance à mes étudiants à l’université, je leur cite toujours l’exemple de Bernard Werber qui a réécrit Les Fourmis pendant douze ans, produisant cent-vingt versions différentes, en repartant de zéro à chaque fois. Sa formule préférée, dit-il : « Ne pas tomber amoureux de son premier jet ». J’ai également récemment découvert une interview très instructive de Pierre Lemaître qui explique que « L’écriture, c’est la réécriture »[1]. Je ne me compare bien sûr pas à ces maîtres de la littérature, mais maintenant je sais que quand j’aurai le retour de l’éditrice, j’écouterai attentivement, je respirerai un grand coup, je penserai à eux deux ainsi qu’à ma citation fétiche de Nicolas Boileau[2], je créerai une copie de mon manuscrit, et sans soupirer mais avec la conviction de pouvoir encore l’améliorer, je taperai son nom : « Les passeurs de vérité – version 3 ». Parce que j’ai compris que chaque phrase modifiée, chaque idée ajoutée, chaque passage retranché permet de se rapprocher de la vérité de son récit. Et que le processus de réécriture améliore certes le texte, mais par-dessus tout, il enrichit l’expérience de l’écrivain.
Alors, rendez-vous deuxième quinzaine de décembre pour la suite des aventures des Passeurs de vérité ! Et vous ? Y a-t-il un projet que vous avez repris, transformé, et qui a fini par vous surprendre par son évolution ? J’ai hâte de lire vos expériences dans les commentaires !
Merci pour votre attention, je vous souhaite d’écrire aujourd’hui une magnifique page de votre vie !
[1] Interview réalisée par Les artisans de la fiction à la librairie Vivement dimanche (YouTube)
[2] Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
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