Bonjour ami lecteur,

Et voilà, le 13 décembre est passé ! Comme indiqué dans mon précédent article, Cent-vingt fois sur le métier, j’avais rendez-vous ce jour-là avec une éditrice mandatée par Lire magazine pour obtenir un diagnostic du manuscrit de la version 2 de mon roman Les passeurs de vérité. Voici mon retour d’expérience sur cette démarche.

Pourquoi ai-je demandé un diagnostic de manuscrit ?

Comme je l’ai expliqué précédemment, quand j’ai eu terminé la rédaction de la version 2 de mon manuscrit, j’ai hésité entre publier directement ou demander un diagnostic. En effet, cette deuxième version avait beaucoup évolué : la structure avait été modifiée et des pans entiers de l’intrigue ajoutés. Il m’a semblé prudent de faire relire l’ensemble par un professionnel.

Ce que j’en attendais ? Un avis objectif sur mon texte. Comme j’avais déplacé des chapitres, et donc cassé la structure initiale du roman, je voulais avant tout savoir si le déroulé de l’intrigue demeurait cohérent. J’avais aussi un doute sur la façon dont j’avais rédigé les dialogues. En effet, lorsque je lis certains ouvrages, je trouve assez insupportable de trouver des « dit untel », des « s’exclame machin », et des « annonce bidule » après chaque réplique. Au bout d’un moment, je ne vois plus que ça. J’ai donc pris le parti de ne mettre aucune indication de ce genre, mais plutôt des phrases intermédiaires entre certaines parties de dialogues. Je voulais également avoir un avis sur le style, mais pour être tout à fait honnête, je crois que sur ce point, je voulais juste qu’on me dise que mon style était bon !

Ce que je craignais ? Beaucoup de choses ! Avant tout qu’on me dise que le chapitre que j’avais mis des semaines à déplacer pour qu’il se trouve à une place à la fois logique et optimale pour maintenir le suspense doive être positionné ailleurs ! Également que l’on trouve l’histoire inintéressante. Et bien sûr entendre que c’était mal écrit. J’avais peur que les points d’amélioration soient si nombreux qu’ils me conduisent à renoncer. Je craignais des critiques dures et difficiles à accepter.

À quoi ressemble un diagnostic littéraire ?

J’avais déjà pratiqué l’accompagnement par un coach au cours de ma formation à l’écriture créative chez Désir d’écrire. Ce que je recherchais avec le diagnostic de manuscrit était une action ponctuelle.

J’ai découvert une offre assez fournie dans ce domaine, de la part de différents acteurs : organismes de formation, coachs littéraires en free-lance, éditeurs, plateformes d’autoédition notamment. J’ai choisi le service proposé par Lire Magazine, d’une part parce que son coût était relativement raisonnable par rapport à beaucoup d’autres, et d’autre part parce que j’apprécie le sérieux de ce magazine, ainsi que les informations intéressantes qu’il fournit aux apprentis auteurs à travers sa newsletter. J’ai donc commandé et payé en ligne un diagnostic, en indiquant le nombre de signes composant mon manuscrit, le tarif dépendant de ce critère. Le surlendemain, j’ai reçu un mail me demandant d’en préciser le genre, afin qu’ils sollicitent l’interlocuteur le mieux adapté. Deux jours plus tard, j’ai reçu un autre mail me demandant d’envoyer mon manuscrit et fixant une date pour le retour par mail du document d’analyse ainsi que pour un entretien de 30 minutes avec l’éditeur (éditrice en l’occurrence) rédacteur de ce document. Au total, il s’est écoulé 26 jours entre la remise du manuscrit et la réception du document d’analyse. L’entretien a eu lieu 3 jours plus tard.

Stéthoscope posé sur un ordinateur portable, symbolisant le diagnostic littéraire comme une analyse approfondie d'un texte.

Le document intitulé « Fiche de retour éditorial » se compose de différentes parties :

    • Une analyse des personnages reprenant les grandes caractéristiques de chacun des principaux protagonistes.
    • Une analyse de l’intrigue et des actions fournissant des observations sur la structure du récit, les transitions, la narration, l’intrigue, le message véhiculé par l’ouvrage.
    • Une analyse du style, portant sur le vocabulaire, le niveau de langage, la concordance des temps, le type de phrases utilisées, l’orthographe, la ponctuation.
    • Une analyse des dialogues du point de vue de la crédibilité, de l’oralité, de leur pertinence.
    • Une analyse du décor mesurant le degré d’immersion, la cohérence des mondes décrits, la précision des descriptions.
    • Une synthèse donnant un avis général, les points forts et les points d’amélioration.

L’entretien s’est quant à lui déroulé en visio. L’éditrice m’a laissé la parole d’emblée. J’ai pu exposer une synthèse de ce que j’avais retenu de son analyse, débattre des remarques qui m’avaient interpellée et lui demander des conseils pour l’évolution du texte. L’échange n’a finalement duré que 15 minutes.

Et donc, elle a dit quoi ?

Eh bien, mes craintes initiales étaient infondées ! Le chapitre migrateur est à la bonne place, le style est fluide et l’histoire donne envie d’avancer dans le roman. J’ai été rapidement rassurée de ce côté-là, mais le soulagement n’a pas duré bien longtemps : les axes d’amélioration étaient bien présents ! Je ne vais pas vous les décrire par le menu, ce serait parfaitement incompréhensible et relèverait de l’analyse détaillée d’un texte dont vous ne disposez pas, mais pour synthétiser, ils portent sur trois points :

    • Les dialogues doivent être agrémentés d’indications pour que l’on comprenne mieux le ressenti des personnages. J’avais tenté un pari stylistique en les omettant, sans doute suis-je allée un peu trop loin !
    • La fin doit être davantage développée pour que le lecteur ne reste pas sur sa faim (sic).
    • Les descriptions doivent être renforcées dans certains chapitres. Contrairement au point sur les dialogues, celui-là, je ne l’ai pas du tout vu venir ! J’étais persuadée que les descriptions constituaient un des points forts de mon écriture. Ça reste vrai, mais cela doit manifestement être encore plus accentué.

À la fin de l’entretien, j’ai quand même exprimé mon sentiment que globalement on n’appuyait que sur les points négatifs. Je ressentais une certaine frustration. Après coup, je me rends compte que je suis un peu allée à la pêche aux compliments. Elle m’a rappelé que quand on demande un diagnostic, c’est pour obtenir des axes d’amélioration, pas pour se faire encenser. Certes. Et que même les écrivains très chevronnés réécrivaient beaucoup. Je sais. Bon, elle m’a quand même dit que c’était bien écrit et qu’il fallait persévérer. Sa dernière phrase a été : « Eh bien je dirais, maintenant, au boulot ! ».

Ce que je retiens

Ce que j’ai trouvé très intéressant en premier lieu, c’est d’avoir la vision d’une autre personne sur mes personnages. C’est comme si on les regardait avec une caméra placée à un endroit différent. Moi, je les ai dans la tête, je sais à quoi ils ressemblent, ce qu’ils pensent, d’où ils viennent. Le lecteur ne connaît que ce que j’en ai écrit. Voir comment ils sont perçus par une autre personne est très instructif et permet d’envisager de faire évoluer ce qu’on laisse transparaître d’eux.

Ensuite, j’ai trouvé l’analyse sur le déroulé de l’intrigue fondamental. Quand on a le nez dedans, on finit par ne plus voir les incohérences, les non-dits qui rendent le propos confus. C’est très pertinent.

La critique sur la fin trop brutale a provoqué une remise en question. Je savais où je voulais en venir, et en fin de compte, avec le recul, je me demande si je n’ai pas écrit un peu à la va-vite le dernier chapitre pour obtenir ce sentiment de libération qui accompagne la frappe du point final.

Et finalement, ce que je retiens, c’est un dessin. Un croquis tout simple qui m’est venu après cette expérience. Une vision de l’écriture comme un entonnoir : au début, le premier jet est vaste, chaotique, plein d’idées brutes, puis, d’étape en étape (retours, critiques, réécritures) il s’affine, se resserre, jusqu’à ne laisser passer que l’essence même de l’histoire, pour enfin atteindre son point final : le lecteur. J’ai griffonné cette représentation de la convergence vers le lecteur sur un post-it et je l’ai collé sur le mur en face de moi, cela m’aide à garder le cap !

Schéma illustrant le processus d'écriture et d'affinage d'un manuscrit jusqu'à son aboutissement, le lecteur.

Et maintenant ?

J’ai laissé passer quelques jours pour digérer. Puis j’ai repris les observations. Pour ce qui est des dialogues, des descriptions, ça va prendre du temps, mais ce n’est pas très compliqué. C’est davantage de la technique que de la création. En revanche, en ce qui concerne la fin et certains éléments de l’intrigue à étoffer, c’est nettement plus compliqué. Alors au bout d’un moment, j’ai arrêté de réfléchir rationnellement et j’ai laissé partir mon imagination. Après quelques heures de voyage entre imaginaire, inconscient, intuition, j’en suis arrivée à repenser la composition du roman, à introduire de nouvelles péripéties, et à prolonger l’histoire au-delà de la fin actuelle. Il me semble que Les passeurs de vérité peuvent prendre de l’ampleur et méritent d’être encore enrichis. Tout cela est uniquement dans ma tête pour l’instant. J’ai juste écrit un genre de plan de bataille pour arriver à développer mes idées. Donc autant vous dire que la version 3 n’est pas pour tout de suite. Et que la question se posera de refaire un diagnostic littéraire ou non !

Alors, faut-il faire un diagnostic de manuscrit ?

Si vous en avez les moyens, ma réponse est incontestablement oui ! C’est une chance d’avoir un regard extérieur et professionnel sur son écriture. Mais étant donné le coût de l’opération, il peut être pertinent de faire appel auparavant à des bêta-lecteurs, dans son entourage ou au sein de groupes d’écriture. L’analyse sera probablement moins professionnelle, mais pour ce qui est du ressenti du lecteur, de la cohérence et de l’intérêt de l’intrigue, de la crédibilité des personnages, il y aura certainement déjà matière à dégager les principaux axes d’amélioration.

Quelques conseils

En premier lieu, avant de le soumettre, il est nécessaire de bien préparer son texte, d’aller jusqu’au bout de ce que l’on peut faire. Peut-être que quand le manuscrit a déjà été accepté par une maison d’édition on peut se permettre des allers-retours avec l’éditeur, quand on paye à chaque relecture, non. Donc, comme suggéré précédemment, n’hésitez pas à le faire relire par une ou plusieurs personnes pour corriger les principales faiblesses. En leur remettant, pourquoi pas, le plan d’analyse que je vous ai décrit plus haut, de façon à avoir des retours plus organisés et détaillés.

Ensuite, il est utile de bien comparer les offres. Regarder les styles traités (romans, essais, manuels, livres jeunesse, certaines sont spécialisées), l’expérience, les délais, le livrable fourni, les conditions tarifaires.

Enfin, il convient de se préparer psychologiquement à recevoir un nombre important de critiques, bien entendu constructives, mais qui peuvent blesser dans un premier temps, et peu d’encouragements. Du moins est-ce là mon expérience.

Une fois qu’on a obtenu le retour et qu’on l’a analysé point par point, je pense qu’il faut laisser un peu reposer les choses pour ne pas se lancer dans une réécriture importante et se rendre compte au bout de quelques semaines qu’on aurait dû s’y prendre autrement.

Illustration d'un cerveau traversé par des ondes électriques, symbolisant le processus créatif et l'activité cérébrale durant l'écriture.

Je suis persuadée que la nuit est la meilleure alliée des écrivains : fréquemment, je me couche avec une idée claire d’un texte, d’un chapitre, d’une intrigue, et je me réveille avec une autre. Pas forcément très différente, mais en général plus cohérente, et souvent plus créative. La puissance du cerveau et toutes les connexions qu’il fait pendant que notre corps se repose me fascinent. Je conseillerais donc de se remettre en mémoire son ouvrage au moment du coucher pour s’endormir dessus et qu’ainsi le cerveau continue à y travailler en roue libre pendant la nuit.

En conclusion

Je le savais déjà, l’écriture peut toujours être améliorée. Je le savais aussi, un (ou mieux plusieurs) regard extérieur est indispensable. Quand j’ai lu l’analyse écrite, je me suis sentie découragée. Quand j’ai eu l’entretien avec l’éditrice, j’ai commencé à entrevoir quelques pistes qui pourraient être intéressantes à développer. Après quelques jours de repos de l’esprit, les remarques ont pu décanter, et la journée que je viens de passer à laisser mon imagination explorer de nouveaux chemins m’a reboostée. Cette expérience du diagnostic littéraire, qui m’a d’abord déroutée, m’a finalement donné davantage confiance dans mes capacités à évoluer en tant qu’auteure et m’a permis de me donner l’autorisation de continuer.

Je sais que cela va être un long travail, mais je crois que chaque auteur travaille pour ça : passer de la confusion de l’inspiration brute à une œuvre prête à être lue. Cet entonnoir que j’ai griffonné sur un post-it n’est pas juste une image : c’est la trajectoire de l’écriture elle-même. Une manière de ne pas oublier que chaque mot ajouté, chaque phrase retranchée, chaque scène retravaillée, nous rapproche du lecteur. Dès que je doute, je lève les yeux, je regarde le petit rectangle jaune, là, collé sur le mur, et je suis rassurée : la version 3 des Passeurs de vérité sera encore plus belle ! Maintenant la question est : à quel moment sera-t-elle suffisamment aboutie pour que j’ose vous la montrer ?

Et vous, avez-vous déjà osé soumettre votre texte à un diagnostic ? Quel regard portez-vous sur vos propres réécritures ? N’hésitez pas à partager vos expériences en commentaire !

Merci pour votre lecture, j’espère que ce partage pourra vous aider dans votre propre démarche. Je vous souhaite une magnifique journée littéraire !

 

Citation sur le processus d'écriture et l'affinage du premier jet jusqu'à atteindre le lecteur.

© Copyright Isabelle Anne Roche – 2024 – Tous droits réservés
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