La légende du colibri

Il m’arrive parfois, au fil de l’écriture, d’évoquer un certain colibri pour illustrer le courage et la solidarité. Ce colibri est le héros d’une légende bien connue, qui a notamment inspiré Pierre Rabhi lorsqu’il a fondé le mouvement « Colibris ». Ce dernier s’est donné comme mission d’accompagner les citoyennes et citoyens qui font le choix de s’engager dans un mode de vie plus écologique et solidaire. Cette légende, issue de la tradition orale, me touche et m’inspire souvent. J’ai eu envie de lui donner ma voix, de la réécrire avec mes propres mots. Voici donc ma version de la légende du colibri. J’espère qu’elle vous touchera autant qu’elle m’inspire.

Cet après-midi-là, dans la vaste forêt tropicale, il faisait particulièrement chaud. Les grands animaux s’étaient mis à l’abri à l’ombre des hauts arbres et somnolaient tranquillement. Un peu plus loin coulait un ruisseau. De temps en temps, un poisson sautait hors de l’eau, retombant dans une gerbe de gouttelettes scintillantes. Les insectes bourdonnaient, agaçant les oreilles des grands fauves alanguis, indifférents aux oiseaux au plumage chatoyant posés non loin de là. Parfois, un serpent glissait en silence, renvoyant un éclat de lumière tombé sur ses écailles.

Si l’on y regardait d’un peu plus près, on pouvait voir, tout près des grandes fleurs aux couleurs éclatantes, un tout petit oiseau battant des ailes à une vitesse telle qu’on ne pouvait les voir : le colibri. Toute la journée, il collectait le nectar. Les autres animaux, plus grands et plus puissants, se moquaient souvent de lui : toujours agité et tellement petit !

Les heures passaient, paisibles. Mais bientôt, le ciel s’assombrit. De lourds nuages noirs vinrent peser sur les arbres. Les insectes se turent, les poissons plongèrent au plus profond de la rivière, les serpents se terrèrent. Les jaguars assoupis soulevèrent une paupière, intrigués par ce soudain silence… Tout à coup, un son assourdissant fit vibrer l’atmosphère. Dans la même seconde, une lumière fulgurante illumina la forêt. Les poils, les écailles, les plumes, d’un même élan se dressèrent. Une lumière orangée s’éleva vers le ciel, accompagnée d’un grondement sourd et d’une lourde fumée : l’éclair venait d’enflammer le tronc d’un vieux palmier.

Stupéfaits, apeurés, les animaux se regroupèrent près de la rivière, regardant, pétrifiés, leur habitat brûler. Tous restaient immobiles, fascinés par les flammes, ne sachant où aller. Tous ? Pas tout à fait. Le petit colibri se mit à battre frénétiquement des ailes. Il alla jusqu’au ruisseau, et dans son petit bec, prit un petit peu d’eau. Il se dirigea ensuite droit vers le feu et jeta sa goutte sur le brasier. À tire de ses petites ailes, il revint vers le cours d’eau, et recommença son manège. Encore et encore, déterminé.

Après l’avoir un moment observé, les animaux groupés au bord de l’eau semblèrent se réveiller et l’interrogèrent :

– Pourquoi fais-tu cela, petit colibri, avec ton bec minuscule, tu ne vas jamais parvenir à éteindre cet incendie !

Le petit colibri s’arrêta un instant, tourna la tête vers eux et répondit calmement :

– Bien sûr, de cela je suis conscient, mais je fais ma part.

Certains disent que, tandis que le colibri repartait vers le feu, les animaux se regardèrent, puis, s’ébrouant, se remirent en mouvement. Un à un, ils prirent de l’eau à la mesure de leurs moyens, unissant leurs efforts pour combattre les flammes. Au prix de beaucoup de courage et de persévérance, ensemble, ils parvinrent à vaincre l’incendie. D’autres prétendent que le colibri est mort, brisé par l’épuisement, mais le cœur content. À vous de voir ce qu’il vous plaît de croire, mais une chose est certaine : le petit colibri, lui, avait fait sa part.

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