Souvent, le soir, je m’endors sur cette pensée : « promis, demain, j’écrirai ». Et le matin, dans ce demi-sommeil où l’esprit flotte librement, ou bien sous le jet d’eau réconfortant de la douche, les idées se bousculent. Les phrases se construisent naturellement. Je les peaufine dans ma tête. Elles sonnent bien. Je suis convaincue qu’elles méritent d’être notées. J’attaque la journée pleine d’entrain. Et puis arrive le soir, et je n’ai rien écrit.

Pourquoi cette difficulté à écrire ?

Les raisons sont diverses. La plus évidente : parce qu’une tâche plus urgente est venue se glisser dans le planning de la journée. Mais honnêtement, si je regarde bien, était-ce si souvent vraiment urgent ?

En réalité, je crois que la raison principale, c’est qu’écrire est fatigant. Ce n’est pas juste se poser devant un clavier et laisser ses doigts filer. Cela requiert de la concentration, de l’organisation, de la méthode. Et, on le sait, le cerveau va naturellement vers ce qui lui demande le moins d’énergie.

Certains jours, je m’assieds devant l’ordinateur et je regarde les différentes idées que j’ai notées. Pour un article, un chapitre, un personnage. Je décide de me lancer… Oh, mais juste avant, je peux bien lire quelques mails, ou répondre à mon quiz de culture générale quotidien ! Seulement quelques minutes, promis ! Et soudain, c’est déjà l’heure de préparer le repas. Ça, je ne peux pas y couper : il faut bien manger. Et de choses simples en choses simples, de fausses urgences en prétextes déguisés, la journée est passée. Il ne reste plus qu’à la clore en regardant un petit truc à la télé.

Et puis, juste derrière cette fuite en avant du « faire », se tapit un blocage plus subtil : la peur. Ou plutôt les peurs.

La peur de ne pas être à la hauteur, d’écrire quelque chose de mauvais. Ce qui arrive fatalement, la plume n’est pas chaque jour au plus haut de sa forme. Alors, je modifie, j’enlève, je rajoute, je corrige, je relis, je corrige encore et rerelis, je peaufine jusqu’à n’en plus pouvoir : le perfectionnisme m’étreint. Normal, il ne faudrait pas que l’on dise que je ne suis pas légitime, que je suis un imposteur ! Oui, celui du fameux syndrome. Je m’interroge : n’aurait-il pas été créé juste pour moi ?

Silhouette d’une main posée contre une vitre translucide baignée de lumière jaune symbolisant le blocage

Et, imposteur ou pas, je n’arriverai jamais à écrire quelque chose d’aussi bon que… le choix est vaste pour nourrir la peur de la comparaison ! Coelho, Gounelle, Dumas, Camus, Grimaldi, Vian, Da Costa, Voltaire, Conan Doyle, King, Baudelaire… Hugo, même, pourquoi pas ?

Et si un jour je parviens à franchir le cap et me décide à offrir le texte aux yeux du public, passant par-dessus la peur de déranger en m’étant convaincue que ceux qui ne veulent pas lire ne liront tout simplement pas, une autre peur surgit sournoisement : la peur d’être jugée. En effet, s’il n’y avait que moi pour penser que mes mots méritaient d’être publiés ? Si je recevais des messages disant que c’est nul, pas intéressant, mal écrit, pompeux, maladroit, bête, irréaliste, déjà vu, blessant, faux, incohérent, ou pire, créé par une IA ?

Et voilà que je m’enlise dans la peur d’échouer. Jusqu’à remettre en cause ce qui depuis très longtemps paraissait donner un sens à ma vie : écrire.

Trouver une solution

Un matin de septembre, j’en ai eu assez de repousser sans cesse le moment de m’atteler à mon ouvrage. Alors j’ai décidé d’appliquer un conseil entendu dans toutes les formations et masterclasses, lu dans tous les manuels d’écriture : écrire tous les jours, même quelques lignes, sur n’importe quoi, sans chercher à faire beau, sans se préoccuper du style ou de l’orthographe. Juste pour entretenir le muscle de l’écriture[1].

Pour que cette décision n’en reste pas au stade de l’intention, j’ai fait un pacte solennel avec moi-même et instauré un rituel : écrire au minimum dix minutes par jour. Même si c’est pour exprimer que je n’ai rien à dire, que je n’ai pas d’idée, que je suis découragée. Peu importe. Juste faire courir les doigts sur le clavier.

Parfois, il est presque minuit, et je n’ai rien écrit. Je m’interdis alors de monter l’escalier qui mène à mon lit tant que je n’ai pas effectué ce rituel de dix minutes. Je m’y mets, et me rends compte que, dès que la première ligne est posée, les mots s’enchaînent plus facilement. Et, bien souvent, les dix minutes se changent en vingt, trente minutes, voire une ou deux heures. 

Un bénéfice immédiat

Dès le premier jour, j’ai vu l’angoisse de ne pas avancer, le regret, le soir, d’avoir mis mon énergie ailleurs, s’atténuer. Et petit à petit, je me suis sentie un peu plus satisfaite de moi-même. Pas complètement, n’exagérons rien, mais un peu plus. Et c’est déjà ça.

Au début, ce n’était pas toujours facile. Quand j’avais laissé la journée filer, que je posais le pied sur la première marche de l’escalier, je devais me faire violence pour faire demi-tour et réactiver mon ordinateur. Parfois, je n’y arrivais pas, je ratais un jour. Et alors, c’étaient deux, et puis trois… Et s’ensuivait un gros effort pour recommencer. Mais, peu à peu, un pas après l’autre, c’est devenu un automatisme, un moment à caler sans pression entre mes différentes occupations. Et maintenant, c’est un plaisir, une nécessité. Un moment que j’attends presque avec impatience dans la journée.

Mieux encore : certains de ces petits textes écrits dans le cadre de ce rituel m’ont paru dignes d’être partagés, après une courte phase de correction et de polissage. Cela m’a amenée à créer une nouvelle rubrique sur le blog pour les accueillir : les « instantanés » étaient nés. Un lieu de partage d’images, de sensations, de paysages et d’émotions cueillis sur le vif et couchés rapidement sur le « papier ». 

Main levée vers le soleil dans un ciel bleu lumineux symbolisant la réussite

Un conseil simple, mais décisif

Les conseils pour les aspirants écrivains sont légion. Celui de prendre la plume quotidiennement en est un parmi tant d’autres. Il n’est pas nouveau. Mais c’est probablement l’un des plus utiles, et sans doute des plus simples, que j’ai eu l’occasion de mettre en œuvre. Sans coûts cachés, sans connaissances supplémentaires à acquérir, juste le planifier. En l’intégrant à son système de gestion du temps préféré. Lequel ? Ça, c’est une autre histoire !

Alors à mon tour… je vous donne ce conseil !

Mais pour l’heure, je vais m’en tenir là, car j’ai largement dépassé mes dix minutes quotidiennes…

Citation : "Écrire au moins dix minutes par jour est probablement le conseil le plus utile, et sans doute le plus simple, que j'ai eu l'occasion de mettre en oeuvre."

[1] De nombreux auteurs et travaux évoquent l’importance d’un rituel d’écriture quotidien ainsi que les freins liés à l’anxiété et aux peurs. Citons à titre d’exemple l’ouvrage de Julia Cameron « Libérez votre créativité » et certains articles publiés dans The Conversation France.

© Copyright Isabelle Anne Roche – 2025 – Tous droits réservés
Le texte de cet article est la propriété de son auteur et ne peut être utilisé sans son accord et sous certaines conditions.

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Vous voulez découvrir quelques instantanés créés suite à la mise en place de ce rituel ? Suivez les liens :

➜  J’ai deux amours

➜  Quand le fleuve devient océan

➜  Premiers flocons

➜  1er décembre : un pas vers la lumière

➜  Un soir d’automne à Camaret-sur-Mer

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